Faut-il condamner à l'échafaud la libération conditionnelle ?

Publié le par Sébastien Delsanne

Le drame de Liège aura de nouveau conduit les journalistes à rouvrir le procès de la libération conditionnelle sans laisser le temps aux esprits de s’apaiser. C’est donc dans un climat explosif que ce dossier refait surface alors qu’il mériterait d’être traité sereinement.

Dans notre société il faut un coupable à tout prix. Immédiatement. La faute, le responsable tout désigné de la tuerie de Liège est donc la libération conditionnelle.

Le procès à charge est dès lorsc rouvert, avec sa panoplie de témoignages à charge, mais sans le recul et la hauteur nécessaire. L’argumentation déployée est proche du raz des pâquerettes  et le populisme « bien pensant » est de retour en force. Au risque d’ébranler la démocratie, l’Etat de droit et les droits de l’Homme.

Revenons sur quelques points important.

La première critique sur la libération conditionnelle dont le meurtrier de la Place Saint Lambert a bénéficié vient du fait que le parquet s’y était opposé. Peut-on d’abord m’expliquer ce que cela aurait changé si le parquet avait été d’accord ? Rien. Dans toute justice d’un état démocratique, il y a le ministère public et la défense de l’accusé (où ici du condamné) qui émettent des points de vues qui très rarement coïncides. Au final, c’est au tribunal de trancher. Dans le cas présent, le tribunal a tranché sur une série de données, dont le rapport du directeur de la prison qui reprend notamment les résultats d’évaluations psychiatriques et sociologiques.

Ensuite, vient l’aberration de croire qu’un condamné libéré conditionnellement est lâché dans la nature sans aucuns suivi. C’est entièrement faux. Certes, les moyens alloués au suivi ne sont pas suffisant mais celui-ci existe. Préfère-t-on attendre que la peine soit totalement purgée pour libérer un détenu sans aucun contrôle ni aide notamment en vue de la réinsertion?

Nous touchons là l’élément essentiel : la réinsertion. Toute personne incarcérée, peu importe le motif de sa condamnation, sera retrouvera un jour en liberté dans la société. Il convient dès lors de prévoir, de préparer sa réinsertion. C’est un travail qui doit commencer dès le début de la peine. C’est là que le problème se situe. Notre système pénitencier n’a pas les moyens suffisant pour permettre un jour une réinsertion adéquate du prisonnier dans la société.

Après l’on nous ressort le couplet sur les peines incompressibles en oubliant qu’elles existent déjà ! Mais l’on oublie un autre élément fondamental : quels individus va-t-on remettre en liberté ? Quel est le rôle de la prison ? Transformer un être humain en animal en cage est plus dangereux que de le laisser en liberté. Chaque individu prisonnier devant être libéré un jour, il faut que l’on se rende d’abord compte qu’aujourd’hui la prison est devenue le premier endroit où l’on apprend la criminalité et la délinquance, libération conditionnelle ou pas. C’est un problème qui existe et qui l’autre point noir majeur de notre système carcéral.

De plus, il est toujours dangereux de généraliser quand le bon sens, l’intérêt à la fois de la société et du prisonnier nécessite un traitement au cas par cas.

Vient enfin la critique de la sémantique. Et la franchement, c’est du grand n’importe quoi tant le terme exprime bien la réalité : un prisonnier libéré conditionnellement est un prisonnier qui recouvre la liberté sous certaines conditions qu’il se doit de respecter sous peine d’être réincarcéré.

Je comprends parfaitement l’immense douleur des parents et proches des tués, celles des survivants et la colère de la population mais l’on ne peut jeter l’opprobre sur la libération conditionnelle qui ne peut être tenue pour responsable de la folie de cet homme car il en est le seul coupable.

Au fond, ce qu’il faut c’est en finir avec ce mythe irréalisable et fou du risque zéro. Vivre c’est risqué. La vie est un risque. Et cela ne changera jamais.

La prison, les peines incompressibles, la non-absorption des peines sont de véritables leurres à partir du moment où l’individu concerné retrouvera un jour la liberté. Cela n’empêche pas la récidive, cela ne diminue en rien le risque de récidive. Les Etats-Unis en sont la preuve parfaite.

Publié dans Politique

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